Dans le cadre d’un projet de restructuration d’une entreprise de la métallurgie en région parisienne, des organisations syndicales ont été appelées à négocier avec l’employeur un accord collectif encadrant la mobilité des ouvriers impactés par le déménagement de l’usine. Quels sont les enjeux d’un tel accord ? Où en est-on avec la notion de secteur géographique ? Quelles sont les conséquences pour les employés ?
Une usine initialement située à La Courneuve était transférée vers un nouveau site également situé en région parisienne, à Gennevilliers. Bien que relativement proches géographiquement, ces deux localisations présentaient des défis d’accessibilité pour les salariés, notamment en raison de la faiblesse des transports en commun à l’heure où les ouvriers prenaient leur poste.
Surtout, beaucoup d’ouvriers avaient installé leur domicile plus loin pour profiter de loyers moins chers et leurs trajets se trouvaient allongés de manière très significative avec le déménagement.
L’employeur ne souhaitait pas être dépendant du choix de chaque salarié de poursuivre son activité dans la nouvelle usine.
En application du code du travail, l’employeur ne peut pas imposer au salarié un changement de son lieu de travail au-delà du périmètre du secteur géographique…
La jurisprudence considère que la mutation du salarié au-delà du « secteur géographique » constitue une modification du contrat de travail qui requiert l’accord du salarié.
Cette notion de secteur géographique est définie, au cas par cas, par les juges du fond en fonction d’éléments de circonstances tels que la distance kilométrique séparant les deux lieux, leur desserte par les transports en commun, l’appartenance à un même bassin d’emploi.
… Sauf si un « accord de performance collective » prévoit des dispositions particulières relatives à la mobilité des salariés.
Les ordonnances Macron de 2017 ont toutefois introduit la possibilité pour l’employeur de négocier des accords de performance collective lui permettant d’aménager ces conditions de mobilité géographique au sein de l’entreprise.
Ces accords ont la particularité de primer sur les dispositions prévues dans le contrat de travail des salariés, et ce, même quand ils prévoient des dispositions moins favorables aux salariés.
Le contenu de l’accord négocié
Un accord de performance collective a été conclu qui définissait le secteur géographique au périmètre de toute la région parisienne, ayant pour conséquence que la mobilité devenait obligatoire pour tous les ouvriers de l’usine. En contrepartie, l’employeur s’était engagé à prendre en charge une prime de mobilité, les éventuels frais de déménagement et surcoûts de transport.
Ainsi, par accord collectif, l’employeur a obtenu l’assurance de la stabilité de son activité, puisque les salariés ne pouvaient plus tenter d’opposer que la mutation modifiait leur contrat, et les organisations syndicales ont obtenu des avantages pour les salariés mutés.
Le rôle du CSE
Le Comité Social et Économique est obligatoirement informé et consulté par l’employeur lorsqu’une telle réorganisation est projetée. Dans le cadre de cette consultation les élus ont un droit d’accès à des informations précises qui peuvent être essentielles aux syndicats dans les négociations. Le CSE peut également faire appel à un expert ou un avocat qui l’accompagne pour obtenir un maximum d’informations sur les impacts du projet de déménagement.
La difficulté dans cette affaire était que personne n’était en mesure de dire si les deux usines étaient situées dans le même secteur géographique. Les syndicats n’étaient donc pas certains que les salariés puissent vraiment s’opposer au déménagement sans risquer un licenciement. L’absence d’information a beaucoup affaibli le syndicat dans les négociations…
Le processus met en lumière les défis juridiques et organisationnels auxquels sont confrontés les représentants du personnel dans de telles situations. Changement important ? Faites-vous conseiller !