Sous la pression constante d’une recherche de performance déconnectée du métier et du réel de travail, les salariés s’épuisent, les collectifs se fracturent. Pour Marie Sibout et Laurence Genty, co-dirigeantes de SOCO, il est urgent de réhumaniser l’organisation du travail et de rétablir la coopération pour plus de productivité et une meilleure prévention des risques psychosociaux. Une démarche salutaire, que les CSE peuvent aujourd’hui pleinement impulser.
Au cœur des missions des CSE, la prévention des risques psychosociaux (RPS) devient un enjeu majeur. Burn-out, tensions internes, démissions en cascade : les signaux d’alerte sont nombreux. Marie Sibout, psychologue du travail depuis plus de 25 ans, et Laurence Genty, coach et médiatrice depuis plus de 15 ans, connaissent bien ces situations de crise. Sur des plateformes pétrolières, dans des usines ou dans les Sièges Sociaux de grandes entreprises telles que TotalEnergies, ou au sein de plus petites structures comme des établissements scolaires, elles ont vu comment les dysfonctionnements organisationnels, des décisions et des styles de management peuvent faire imploser des équipes.
En 2021, Marie Sibout fonde SOCO, un réseau de professionnels – psychologues, coachs, consultants – mobilisés pour accompagner les entreprises dans la compréhension et la résolution des situations critiques humaines et collectives. « Notre démarche est systémique. Nous ne nous arrêtons pas aux symptômes : conflits, arrêts de travail, chute de performance, troubles psychosociaux. Nous cherchons à comprendre le fonctionnement global, les dynamiques collectives, la place et le rôle de chacun afin de rétablir un collectif de travail performant et serein », explique-t-elle.
« Certains salariés reviennent brisés après un burn-out, et il faut parfois reconstruire leur rapport au travail, tout en prévenant d’autres drames », insiste Marie Sibout. L’approche de SOCO repose sur une analyse fine, mêlant observation de terrain, entretiens individuels et collectifs, et restitution à toutes les parties prenantes – direction, équipes, CSE et syndicats.
Les demandes d’intervention viennent de plus en plus souvent des CSE, acteurs clés de la santé et des conditions de travail. En alerte face à des conflits ouverts, à une ambiance délétère ou à des indicateurs RH inquiétants, ils sollicitent SOCO pour mettre au jour les causes profondes : jeux de pouvoir, silos, perte de sens, communication défaillante, management déshumanisé… « On accompagne les équipes à construire leurs propres solutions, à partir d’un diagnostic partagé », précise-t-elle.
SOCO refuse de prendre parti. La posture de l’équipe est celle d’un tiers de confiance. « Il existe des cabinets qui accompagnent les managers à ‘tenir bon’, quitte à renforcer des pratiques parfois deshumanisantes. D’autres se placent exclusivement du côté des salariés, quitte à nourrir le ressentiment et la colère. Chez SOCO, on cherche à écouter la réalité humaine et organisationnelle, dans sa complexité ».
Cette neutralité active permet de créer un espace d’échange réel, où l’on peut parler de ce qui ne va pas sans crainte de représailles. « Les comportements déshumanisants naissent d’un système. On ne juge pas, on aide à comprendre ». L’objectif ? Redonner à chacun une place dans le collectif, rétablir la circulation de la parole et relancer la capacité à travailler ensemble. Car, pour SOCO, la performance durable passe toujours par l’humain et sa capacité à coopérer et créer.
SOCO en quelques motsUne équipe pluridisciplinaire intervient en entreprise ou au sein d’organisations du travail afin d’accompagner les équipes clientes. SOCO propose différents modes d’intervention :
Une solution pour faire face :
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Exemple de mission SOCO – sortie de crise psychosociale – site de production en France
En s’appuyant sur le travail réel des équipes, en repensant le mode de coopération et en accompagnant individuellement les membres du comité de direction et certains chefs qu’équipe, SOCO a restauré une dynamique collective performante et sereine. Cette approche a permis d’instaurer une gestion pérenne des risques humains et organisationnels, contribuant à une prévention efficace des risques psychosociaux.
Contexte, enjeux et objectifs
L’usine, anciennement autonome et pilotée par un fonds de pension, a été intégrée à un grand groupe industriel. Ce changement de gouvernance a bouleversé son fonctionnement : les services de production ont dû rapidement s’adapter à des standards stricts en matière de technique, RH, sécurité et gestion financière.
Très automatisé, le site souffrait d’un management figé, générant bore-out, conflits internes, perte de sens, isolement entre services, fracture avec le Siège, ainsi que des situations de burn-out, des arrêts maladie fréquents et une recrudescence des accidents de travail. Un des défis majeurs consistait à préparer et réaliser un arrêt de maintenance exceptionnel, impliquant un afflux massif d’intervenants extérieurs pendant six mois, tout en respectant le Référentiel du nouveau Groupe.
Ce contexte de transformation a coïncidé avec deux leviers positifs : la création d’une direction des opérations au Siège et l’arrivée d’un nouveau directeur sur site. Les objectifs étaient clairs : restaurer un climat de travail serein, renforcer la coopération entre services et améliorer durablement les performances.
L’approche méthodologique
La mission s’est déroulée en deux phases : un diagnostic approfondi de deux mois à mi-temps, suivi d’un accompagnement sur douze mois à quart-temps. Le comité de direction de l’usine a été coaché, individuellement et collectivement. Les équipes se sont inscrites dans un parcours collectif structuré autour d’ateliers de travail. Se sont retrouvées les équipes du site (production, maintenance, HSE, RH, achat) et celles du Siège, afin de faire émerger des solutions partagées. Ces ateliers ont permis de :
- Redéfinir les rôles et responsabilités de chacun, clarifier les contributions croisées, notamment entre production, maintenance et direction du Siège ;
- Renforcer les compétences managériales des encadrants, notamment sur la posture, la communication et la régulation ;
- Optimiser la dynamique collective, en restructurant les réunions opérationnelles : nouveaux rythmes, nouveaux formats, meilleure circulation de l’information et prise de décision plus fluide ;
- Accompagner les équipes avec des formations ciblées, des mises en situation, des retours d’expérience et un suivi régulier.
Les résultats obtenus
Le climat social s’est apaisé : amélioration marquée du baromètre interne, réduction de l’absentéisme, baisse significative des arrêts pour RPS. Les outils managériaux et techniques du Groupe ont été intégrés avec succès. Les performances ont nettement progressé : l’arrêt technique s’est déroulé sans accident, les processus ont gagné en fluidité et les incidents ont été réduits de façon notable. Le site a retrouvé une stabilité organisationnelle, une meilleure coordination interservices et une dynamique collective propice à la performance durable.