Entrée en janvier 2015 en CDI au poste de Chef de projet, et après avoir toujours donné satisfaction dans son travail, Madame X a été convoquée à un entretien préalable de licenciement économique. Elle a alors 35 ans, un jeune enfant à charge et près de 6 ans d’ancienneté. Son entreprise dépend de la convention collective du tourisme. Madame X est convaincue qu’elle n’aurait pas été licenciée sans sa grossesse intervenue deux ans auparavant.
Entretien avec Maître Maëlle Auché, avocate spécialiste en Droit du travail et Droit des représentants du personnel, cabinet Auché Monforte Avocats.
Que s’est-il passé ?
Alors que la relation au travail était très positive, Madame X a été arrêtée dans le cadre d’un congé maternité puis d’un congé parental d’éducation. À son retour, elle ne s’est pas vu confier de nouveau projet et a été rétrogradée dans l’organigramme.
L’année suivante, en mars 2020, le Président de la République annonce le confinement pour endiguer l’épidémie de Covid-19. Dès le mois d’octobre, alors que la société bénéficiait encore des dispositifs d’aides de l’Etat, elle a présenté au CSE un projet de licenciement collectif pour motif économique impliquant neuf licenciements. Le contrat de travail de Madame X a alors été rompu le 8 décembre 2020.
Réagir face à une injustice
Considérant avoir été licenciée pour des raisons liées à sa maternité, Madame X a pris conseil auprès d’une avocate spécialisée en droit du travail.
« Nous avons estimé » explique Maître Maëlle Auché, « que les éléments de son dossier permettaient de démontrer qu’elle avait été ciblée par l’employeur dans la mise en œuvre de la procédure de licenciement collectif pour motif économique, ce qui est illicite. Il était manifeste que cela avait un lien avec sa maternité. Madame X n’avait d’autre choix que de saisir le Conseil de Prud’hommes ».
Le Conseil de Prud’hommes donne raison à Madame X, pourquoi ?
Le Conseil de Prud’hommes a d’abord constaté que pendant son absence l’entreprise avait nommé un Chef de service de sorte que Madame X s’était vu retirer toutes ses fonctions dirigeantes. Les juges ont constaté ensuite que dans le cadre du licenciement collectif, Madame X avait été placée seule dans une catégorie professionnelle qui disparaissait avec les licenciements économiques, ceci ayant eu pour effet de la licencier sans faire application des critères d’ordres, sans tenir compte de son ancienneté ou de sa situation de famille…
Le Conseil de Prud’hommes en a déduit que Madame X avait été ciblée et licenciée pour des raisons en lien avec sa maternité. Il juge que cela constitue une discrimination au sens des articles L1132-1 et L1132-4 du Code du travail.
Le Conseil de Prud’hommes annule le licenciement et condamne la société à verser à Madame X une indemnité équivalente à 8 mois de salaires.
Extrait de l’article L1132-1 du code du travail
« Aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l’article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 … en raison de son origine, de son sexe, de ses mœurs, de son orientation sexuelle, de son identité de genre, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, etc. »
Le mot de l’avocat
Les discriminations subies par les femmes se dissimulent souvent derrière des apparences d’égalité de traitement. Dans cette affaire par exemple, si Madame X n’avait pas été convaincue de l’existence d’un lien entre sa grossesse et son licenciement, son licenciement pour motif économique, intervenu dans le secteur du tourisme en pleine crise Covid, aurait pu paraitre parfaitement fondé. Il a fallu démontrer le véritable motif de son licenciement présentait un caractère discriminatoire.
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