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Directive européenne sur la transparence salariale, une opportunité stratégique pour les représentants du personnel

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Directive européenne sur la transparence salariale, une opportunité stratégique pour les représentants du personnel

L’égalité salariale femmes-hommes reste inachevée : dans l’UE, les femmes gagnent encore 13 % de moins que les hommes en moyenne. Pour lutter contre ces écarts, la directive européenne 2023/970 impose plus de transparence salariale dans les entreprises.

 

 

Cette directive européenne doit être transposée en droit national avant juin 2026, avec des obligations concrètes à partir de 2027. Objectif : garantir un même salaire pour un travail de valeur égale, grâce à des données comparables et accessibles. Pour les CSE et représentants du personnel, c’est un nouvel outil de contrôle et d’intervention sur la politique salariale de l’entreprise.

 

Ce que prévoit concrètement la directive

 

Une transparence salariale dès le recrutement

Directive européenne sur la transparence salariale, une opportunité stratégique pour les représentants du personnelLes entreprises devront communiquer, dès le processus de recrutement, la rémunération prévue ou sa fourchettepour chaque poste proposé. Cette obligation s’imposera aussi bien au secteur public qu’au secteur privé. Par ailleurs, il sera interdit de demander aux candidats leur rémunération précédente, afin d’éviter que des inégalités passées ne se reproduisent d’un poste à l’autre. Cela permettra d’instaurer des bases de négociation plus justes, dès l’embauche.

 

Un droit d’accès renforcé à l’information pour les salariés

Une fois en poste, tout salarié pourra demander :

  • Sa propre rémunération ;
  • Le niveau moyen de rémunération, ventilé par sexe, pour les postes comparables (même travail ou travail de même valeur).

L’entreprise devra répondre dans un délai raisonnable, au plus tard sous deux mois. Les données fournies devront respecter la confidentialité, mais permettre une comparaison réelle.

 

Des obligations de publication selon la taille de l’entreprise

Les employeurs devront transmettre des informations sur les écarts de rémunération entre les femmes et les hommes selon un calendrier graduel :

  • Entreprises de plus de 250 salariés: publication annuelle, dès juin 2027 (sur les données de 2026) ;
  • Entreprises de 150 à 249 salariés: tous les 3 ans, dès 2027 ;
  • Entreprises de 100 à 149 salariés: tous les 3 ans, mais à partir de 2031.

Les États pourront décider d’imposer les mêmes obligations aux entreprises de moins de 100 salariés. En cas d’écart injustifié de rémunération supérieur à 5 %, et si aucune correction n’est apportée dans les six mois, l’entreprise devra mener une évaluation conjointe des rémunérations, en lien avec les représentants du personnel.

 

Une redéfinition du « travail de même valeur »

Directive européenne sur la transparence salariale, une opportunité stratégique pour les représentants du personnelLa directive précise qu’un travail de même valeur est défini par quatre critères objectifs :

  • les compétences mobilisées,
  • les efforts requis,
  • les responsabilités exercées,
  • les conditions de travail.

Deux postes peuvent donc appartenir à des familles professionnelles différentes, mais être considérés comme équivalents si ces critères sont comparables. Cela remet au cœur du débat la question de la pesée des postes, souvent peu transparente et inégalement formalisée dans les entreprises.

 

Une rémunération entendue au sens large

La notion de rémunération recouvre :

  • le salaire de base,
  • les primes (annuelles, variables, exceptionnelles),
  • les indemnités (logement, repas, déplacements),
  • les heures supplémentaires,
  • les pensions professionnelles,
  • et tout avantage en nature.

Chaque État devra définir les composantes exactes de cette rémunération élargie dans son droit national. Ce périmètre large permet de mieux cerner les vraies sources d’écart, souvent dissimulées dans les éléments variables.

 

Inversion de la charge de la preuve et sanctions

En cas de litige pour discrimination salariale :

  • c’est à l’employeur de démontrer qu’il n’y a pas eu de discrimination, et non au salarié de prouver le contraire ;
  • la personne lésée pourra obtenir une indemnisation intégrale, y compris les arriérés de salaire ou bonus non versés.

Les entreprises qui ne respectent pas leurs obligations s’exposeront à des sanctions, fixées par chaque État membre (pouvant inclure des amendes proportionnelles au chiffre d’affaires ou à la masse salariale).

 

Ce que cette directive change pour les élus du personnel

 

Pour les CSE et les représentants du personnel, la directive ouvre des droits nouveaux et des opportunités d’intervention renforcées.

 

Un pouvoir d’analyse accru grâce à de nouvelles données

Les élus auront accès à :

  • des fourchettes de rémunération par poste ou fonction ;
  • les écarts de rémunération femmes/hommes, y compris sur les éléments variables ;
  • les critères objectifs utilisés pour déterminer les salaires ;
  • les méthodes de pesée des postes, si elles existent.

L’enjeu : mieux comprendre la politique salariale, identifier les biais systémiques, notamment sur les postes à prédominance féminine.

 

Un droit d’alerte et d’interpellation renforcé

Les représentants pourront :

  • Interroger l’employeur sur tout écart injustifié ;
  • Demander une évaluation conjointe si un écart ≥ 5 % n’est pas corrigé dans les 6 mois ;
  • Emettre un avis motivé sur les mesures proposées ou leur insuffisance.

L’enjeu : renforcer le contre-pouvoir du CSE, en s’appuyant sur des données objectivées et comparables.

 

Un rôle central dans la révision des classifications et critères d’évaluation

Avec la reconnaissance du ‘travail de même valeur’, les entreprises devront revoir :

  • Leurs grilles de classification et leurs critères de progression salariale ;
  • Les représentants seront informés / consultés sur ces refontes.

 

 Un dialogue social renouvelé sur l’égalité

Les sujets liés aux écarts de rémunération pourront être intégrés :

  • Aux négociations annuelles obligatoires (NAO),
  • A la BDESE (base de données économique, sociale et environnementale)
  • Articulés avec l’Index égalité femmes/hommes.

L’enjeu : inscrire durablement la question de l’égalité salariale dans les discussions sociales, au même titre que l’emploi ou les conditions de travail.

 

Une capacité renforcée à soutenir des recours

Les CSE pourront :

  • Soutenir des actions contentieuses si l’entreprise refuse d’agir malgré les constats chiffrés ;
  • Transmettre les données à l’inspection du travail ou aux autorités de contrôle compétentes ;
  • Défendre les salarié·es collectivement, en cas de discrimination systémique.

L’enjeu : élargir le rôle protecteur du CSE en matière de droits fondamentaux.

La directive sur la transparence salariale représente une avancée majeure pour l’égalité professionnelle, mais aussi un changement profond pour les pratiques RH.

 

Le cabinet Tandem Expertise accompagne les élus dans cette transition : analyse des données, lecture critique des classifications, animation d’évaluations conjointes, et appui stratégique dans les NAO.

Article rédigé par Emmanuel Andreu Expert CSE chez TANDEM EXPERTISE