Après une forte inflation en 2022 (5,2%) et 2023 (4,9%), il est prévu que celle-ci ralentirait en 2024 pour atteindre 2,6% en 2024. Les indicateurs semblent donc au vert. Explications.
Selon le rapport économique social et financier* mis en annexe du projet de loi de finance 2024, l’économie française devrait connaître une reprise de la production dans les secteurs touchés par les tensions d’approvisionnement comme l’aéronautique et l’automobile. Elle s’est déjà traduite par une forte contribution du commerce extérieur à la croissance au 1er semestre 2023 (+0,7 pt) et par une production industrielle dynamique (+1,6 % en glissement semestriel).
Les résultats du commerce extérieur au 1er semestre 2023 montrent une nette amélioration du solde commercial dans sa composante énergétique mais également manufacturière et une confirmation de notre attractivité sur les exportations de services. Les éléments chiffrés fournis indiquent que la demande mondiale en biens adressée à la France augmenterait plus fortement que pour la moyenne de la zone euro.
En 2024, la croissance repasserait au−dessus de son rythme tendanciel (+1,4 %), soutenue par un rebond du pouvoir d’achat, qui bénéficierait de revenus salariaux plus dynamiques que les prix, et des effets de rattrapage partiel concernant la consommation des ménages et les échanges extérieurs. Cependant, la consommation reste à un niveau assez bas, à cause notamment de la hausse des taux d’intérêt. Il indique également que le taux d’épargne des ménages a fortement augmenté ces dernières années et qu’il devrait se stabiliser, libérant ainsi du chiffre d’affaires pour les entreprises à horizon 2027.
L’inflation poursuivrait sa décrue et s’établirait à +2,6 % en moyenne annuelle. L’arrêt progressif des mesures de soutien aux entreprises et aux ménages face aux conséquences de la hausse des prix de l’énergie permettrait une diminution significative des dépenses publiques conduisant à une amélioration du déficit public à -4,4 % du PIB. Le ratio de dette publique se stabiliserait à 109,7 % du PIB en 2024.
Toujours plus de pauvreté et de précarité chez les jeunes
Les chiffres officiels issus de l’INSEE indiquent que plus de 5,2 millions de personnes (au taux de 50% du revenu médian qui est de 1900€/mois) et de 9,2 millions de personnes (si l’on retient 60% du revenu médian) étaient pauvres en 2020 en France – hors Outre-mer. Depuis, il y a eu la crise du covid, une inflation très importante en 2022 et 2023 qui ont sans aucun doute accru le nombre de pauvres.
Chômeurs et familles mono parentales sont les premières catégories de personnes touchées par la pauvreté.
Le gouvernement pourrait donc se réjouir de la baisse du taux de chômage, historique depuis 40 ans ? C’est sans compter les travailleurs indépendants, qui sont plus vulnérables que les salariés avec une part de 17,6 % d’entre eux qui sont sous le seuil de pauvreté.
Le rapport de l’observatoire des inégalités 2022/2023 indique que les enfants de moins de 10 ans représentent 16,7% de la population pauvre. Le taux de pauvreté (12,9%) est maximal entre 18 et 29 ans du fait de l’ampleur du chômage des jeunes. Sur 100 ménages pauvres, 25,6% sont des familles mono parentales. Ce document nous apprend que la pauvreté touche davantage les villes (63%) que les milieux ruraux (37%). Dans 20 quartiers, les plus défavorisés de France, le taux de pauvreté dépasse 60%. Outre la Réunion et la Martinique où les taux de pauvreté sont respectivement de 24,6% et 18,1%, ce sont la Corse (10,7%) et la région Provence Alpes Côte d’Azur (10,3%) où le taux de pauvreté est le plus élevé.
Phénomène assez récent : un tiers des personnes pauvres sont en emploi : 21,7 % des personnes situées sous le seuil de pauvreté sont des salariés.
Comment explique-t-on cela ? Le salaire net moyen des ouvriers à temps plein est de 1830€ net mensuel alors que le taux de pauvreté à 50% du revenu médian est de 1880€, soit seulement 50€ de différence ! Le smic net est à 1329€. La situation actuelle est surtout due au développement des emplois très précaires et à la faiblesse de l’indemnisation du chômage.
Et par rapport aux autres pays européens ?
En comparaison des autres pays européens, le taux de pauvreté en France est inférieur à ceux de l’Espagne, de l’Italie, du Portugal, de la Grèce, mais aussi de l’Allemagne et de la Suède. La France se place en 10ème position. L’Irlande, le Danemark et la Finlande sont les trois pays d’Europe où le taux de pauvreté est le plus faible.
Quel partage de la valeur ?
Depuis 2013 on note une remontée notable de la part de la valeur ajoutée qui revient aux entreprises, résultant d’une politique de l’offre caractérisée par la réduction des cotisations patronales, notamment avec la mise en place du pacte de responsabilité et de solidarité et du CICE puis sa conversion en allègement de cotisations patronales en 2019.
Cette politique de l’offre a permis de redresser le taux de marge des entreprises dans un objectif d’amélioration de leur compétitivité, sans réduire la part de la valeur ajoutée qui va aux salariés ; si la part de la rémunération du travail a un peu baissé entre 2013 et 2022 (−0,9 pt), celle des salaires nets (avant impôt sur le revenu) a augmenté (+0,9 pt), ce qui reflète notamment la diminution des cotisations employeurs sur la période.
L’OCDE, dans son rapport sur Les perspectives de l’emploi publié le 11 juin 2023, montre que la France est un des rares pays de l’OCDE où les coûts unitaires de main d’œuvre ont augmenté plus vite que les bénéfices unitaires entre fin 2019 et le 1er trimestre 2023, notamment grâce à une plus forte proportion de salariés au SMIC, qui est automatiquement indexé sur l’inflation, et à la progression des salaires négociés.
Le rapport économique social et financier* prévoit que le partage de la valeur ajoutée se normaliserait en 2024, sans toutefois revenir à son niveau d’avant crise. En 2023, la part de la valeur ajoutée allant à l’EBE se redresserait sous l’effet conjugué d’un rebond partiel de la productivité, d’une croissance des salaires réels qui serait freinée par les pertes de productivité passées, et de mesures fiscales favorables (suppression d’une partie de la CVAE). La normalisation se poursuivrait dans une ampleur nettement moindre en 2024, la valeur ajoutée et la masse salariale progressant à un rythme similaire.
Des PSE qui se multiplient fin d’année 2023
Si certains secteurs tirent leur épingle du jeu, d’autres au contraire continuent de subir de fortes difficultés. Une confirmation de la hausse du chômage à 7,5% en 2024 (contre 7,2% en 2023) indique que certains secteurs d’activité n’arrivent pas à rebondir, suite aux années Covid. C’est le cas de la distribution spécialisée mode. Selon le panel Retail Int. de l’Alliance du Commerce, les ventes dans les enseignes d’habillement ont baissé de plus de 15% en septembre 2023. 32 procédures ont été recensées lors des huit premiers mois de 2023 dans le commerce et la restauration, un nombre deux fois supérieur à celui de 2021 et se rapprochant de celui de 2020**. Sur l’ensemble de la période 2020-2023, un peu plus de 100 procédures ont d’ailleurs été dénombrées dans l’Hexagone, concernant un total de 80 enseignes dont 44% appartiennent au seul secteur du textile et de la chaussure (Naf Naf, Jennyfer, Camaïeu, San Marina…).
La dernière manufacture de cigarettes en France s’apprête aussi à fermer d’ici la fin de l’année. L’usine Macotab (pour Manufacture Corse de Tabac), propriété du groupe britannique Imperial Brands, à Furiani, en Haute-Corse est en activité depuis 1964. En sortaient chaque année 600 millions de cigarettes, à destination du marché local et national. Les 29 salariés restants (contre plus de 200 par le passé) sont licenciés.
Le secteur des jeux vidéo est lui aussi touché avec plus de 230000 licenciements dans le monde pour les premiers mois de l’année. Les secteurs des nouvelles technologies ne sont pas à l’abris… La révolution de l’intelligence artificielle vient percuter le secteur tertiaire. En France, le secteur des médias est touché ; chez Onclusive, plus de la moitié des salariés français (217) vont être remplacés par des outils d’intelligence artificielle.
Partout sur le territoire, on voit les PSE revenir… Chez Marelli à Argentan, la suppression de 167 emplois est engagée ; le fabricant de cloisons Clestra Metal dépose le bilan et laisse 130 ouvriers ; 171 licenciements sont en pourparlers actuellement chez Nestlé Waters dans les Vosges. Seqens, à Villeneuve-la-Garenne, une usine pharmaceutique qui fabrique des molécules pour les médicaments, prévoit plusieurs dizaines de licenciements début 2024. C’est pourtant dans cette société qu’Emmanuel Macron avait annoncé un plan de relocalisation de cette industrie en France…
* Rapport économique social et financier 2024
** Knight Frank France