Ordonnances Macron de septembre 2017
Synthèse du rapport du comité d’évaluation de la réforme

Quatre ans après l’entrée en vigueur des ordonnances dites Macron, le comité missionné par les pouvoirs publics afin d’évaluer la mise en œuvre et les impacts de cette réforme majeure a rendu son rapport en décembre 2021. Les principaux enseignements sont les suivants :

  • Une mise en place largement effective des réformes portées par les ordonnances ;

  • Une absence de révolution culturelle dans les pratiques de dialogue social : il n’y a pas d’évolution majeure dans les pratiques du dialogue social mais plutôt un prolongement des tendances issues de réformes antérieures ;

  • Un besoin renforcé d’accompagnement et de formation des acteurs renforcé notamment par la diversité des compétences attribuées aux CSE.

1. La fusion des IRP et la création du CSE

Si les ordonnances semblent atteindre l’objectif de rationalisation du dialogue social, «dès lors que le passage à une instance unique a permis de limiter le nombre de réunions et le traitement de mêmes sujets dans différentes instances», ce constat est largement à nuancer dans la mesure où le rapport ne quantifie pas l’évolution du nombre d’élus du fait de la fusion des instances.

Surtout, alors que la fusion des IRP avait pour objectifs de revitaliser, simplifier et améliorer la qualité du dialogue social et si l’objectif d’une approche plus transversale semble plutôt partagé, de multiples difficultés sont identifiées par le comité :

  • La crainte d’un effacement de la représentation de proximité1 et de perte de contact entre élus et salariés avec le risque de non-identification des difficultés de terrain et d’une moindre connaissance des enjeux concrets pour les salariés ;

  • Des difficultés pour traiter des questions de santé, sécurité et conditions de travail. A ce titre, la nouvelle articulation entre CSSCT et CSE est difficile à trouver et engendre un affaiblissement de la capacité des représentants du personnel à s’emparer de ces sujets. Face à un allongement des réunions et des ordres du jour, ces sujets centraux se trouvent moins bien pris en compte ;

  • Des difficultés à traiter les questions relatives aux réclamations individuelles et collectives et aux conditions de travail qui sont « noyées » dans l’ensemble des compétences du CSE.

Ainsi, il apparaît que l’élargissement et la concentration sur le CSE d’un champ très vaste de sujets à aborder a fragilisé et affaibli la représentation du personnel et portant la qualité du dialogue social en entreprise. Face à une réduction de leurs moyens, les élus font face à une surcharge de travail de représentation, à des difficultés accrues de conciliation avec l’activité professionnelle et bien sûr à un manque d’expertise susceptible de couvrir l’ensemble des sujets.

Le comité souligne d’ailleurs la crainte des élus face à des difficultés de recrutement pour les prochaines élections et un moindre engagement des élus.

Dans ces conditions, il apparaît encore plus qu’avant nécessaire pour les élus de mobiliser l’ensemble des moyens à leur disposition : utiliser la subvention de fonctionnement pour se former, pour être conseillé et accompagné au quotidien, pour recourir à des expertises, etc.; tirer profit des possibilités de recours aux formations SSCT et aux expertises financées par l’entreprise (notamment lors des consultations sur la situation économique et financière, sur la politique sociale, sur les orientations stratégiques ou en matière de SSCT).

Le renouvellement du CSE est aujourd’hui également l’occasion pour les partenaires sociaux de s’interroger sur le fonctionnement de cette nouvelle instance et d’améliorer si besoin par accord d’entreprise les moyens à disposition du CSE afin de gagner en qualité du dialogue social et donc d’assurer une meilleure défense des intérêts des salariés.

2. La négociation collective : élargissement des possibilités de négociation dans les PME, nouvelles règles d’articulation entre accords de branche et d’entreprise, RCC et APC

Face à une réforme d’ampleur des pouvoirs des partenaires sociaux et de la place laissée à l’accord d’entreprise, il est plus que jamais essentiel d’être vigilant dans la négociation d’accords pouvant réduire les moyens du CSE ou les droits des salariés.

Concernant la nouvelle articulation2 des accords de branche et d’entreprise, ces règles posent des difficultés d’interprétation et d’application et le rapport fait apparaître que les dispositions spécifiques prévues pour permettre aux branches de négocier sur de nouveaux sujets3 ou pour adapter les accords de branches aux PME sont encore peu utilisées pour l’instant.

Concernant la création des nouveaux dispositifs prévus pour permettre aux entreprises de s’adapter à une situation difficile ou viser un objectif compétitivité – accords de préservation de compétitivité (APC) et ruptures conventionnelles collectives (RCC) – ils ont été progressivement mobilisés. Dans tous les cas, les partenaires sociaux doivent être attentifs lorsqu’ils s’engagent dans de telles négociations qui peuvent réduire considérablement les avantages sociaux dans les entreprises.

Enfin, concernant la possibilité donnée aux PME de conclure plus facilement des accords en l’absence de délégués syndicaux, via des salariés élus ou mandatés ou en faisant ratifier des textes par les deux tiers des salariés, les éléments restent insuffisants sur les pratiques effectives de négociation dans les TPE-PME : les effets qualitatifs de la matière ne sont donc pas connus aujourd’hui.

3. La barèmisation des indemnités prud’homales

Si l’application du barème d’indemnité des licenciements sans cause réelle et sérieuse n’a pas eu d’effet spécifique sur l’ampleur du contentieux aux prud’hommes4, elle aboutit toutefois à un resserrement des indemnités versées dans les limites des barèmes (effet plus marqué à la baisse pour les salariés ayant moins de 5 ans d’ancienneté).

Pour autant, cette mesure a suscité de nombreux contentieux, des décisions de cours d’appel contradictoires et des contentieux encore en cours sur l’application concrète de la réforme.

(1)Certaines entreprises ont mis en place des représentants de proximité mais, à ce stade, leur rôle reste encore mal défini, tandis que d’autres ont expérimenté notamment la création de commissions spécifiques, avec toutefois des difficultés d’articulation entre ces commissions et les CSE qui peuvent contrarier l’objectif de simplification. (2)En particulier sur les salaires minima hiérarchiques. (3)Relatifs aux contrats de travail à durée déterminée ou sur les accords de méthode notamment. 4En forte diminution depuis une dizaine d’années

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