La question est toujours brulante pour les juridictions françaises ainsi que pour tous les salariés qui vont intenter des actions aux prud’hommes contestant le motif réel et sérieux de leur licenciement et assortissant leur demande d’une allocation de dommages-intérêts.

Si jusqu’à maintenant les juges du fond écartaient en majorité le barème, mis en place par les Ordonnances Macron, en arguant qu’il n’était pas conforme au droit supranational mais aussi qu’il ne réparait pas l’intégralité du dommage subi par le salarié évincé abusivement de son emploi, un avis de la Cour de Cassation, rendu le 17 juillet 2019, est censé avoir dissipé les doutes.

Les arguments des justiciables pour écarter le barème étaient notamment d’en affirmer la non-conformité avec l’article 24 de la Charte Sociale Européenne, et, contraire à la notion de réparation adéquate de l’article 10 de la Convention 158 de l’Organisme International du Travail (OIT).

Pour valider le barème, la Cour de Cassation affirme :

  • Qu’elle est compétente pour rendre un avis sur la compatibilité entre une disposition de droit interne avec des normes européennes et internationales dès lors que son examen implique un contrôle abstrait ; ce qui constitue une évolution de sa position passée considérant qu’il y a une véritable urgence à unifier la jurisprudence ;
  • Que, contrairement à l’article 24 de la CSE, l’article 10 de la Convention 158 de l’OIT est d’effet direct et invocable par les salariés ;
  • Que, le barème Macron est bien conforme à l’article 10 de ladite Convention, car ne contrevenant pas à la notion de réparation adéquate ou appropriée, et,
  • Qu’enfin, les termes “réparation adéquate” devaient être compris comme réservant aux Etats parties au Traité une marge d’appréciation, et que cette marge d’appréciation se matérialisait par des montants minimaux et maximaux, tout en laissant le Juge libre d’octroyer une indemnité dans cette fourchette hors cas de nullité du licenciement, relevant de l’article L.1235-3-1 du Code du Travail.

 

Si certaines Cour d’Appel comme Reims ou Paris ont déjà affirmé qu’elles ne suivraient pas cet avis…Que se passera-t-il si des pourvois en cassation sont formés ? En effet, la chambre sociale devrait en toute logique suivre l’avis de ces pairs déboutant les demandes hors barèmes des salariés !

Restent, à notre sens, pour les salariés plusieurs angles d’attaques :

  • Suivre l’argumentation développée devant le Conseil des Prud’hommes de Longjumeau en audience de départage (1.06.19 n°18/00391) selon laquelle le barème n’apporte qu’une réparation partielle au regard du préjudice matériel subi et permettant au salarié de demander que soit écarté le barème ; toute la difficulté résidant dans la démonstration d’un préjudice matériel excédant le barème mis en place ;
  • Se prévaloir des motifs d’exception de l’article L.1235-3-1 du Code du Travail permettant d’écarter d’office le barème qui sont la violation d’une liberté fondamentale, des faits de harcèlement ou discriminatoires

 

L’impatience est donc grande face aux décisions qui devront être rendues par les Cours d’Appel à l’automne mais également face aux futures décisions de la Cour Européenne des Droit de l’Homme, de l’OIT et du Comité Européen des Droits Sociaux saisis sur la matière, d’autant plus que ce dernier a déjà condamné un système similaire en Finlande (CEDS 8-9-2016 n°106/2014).

 

Anthony PAULIN – Chef de Mission GROUPE LEGRAND

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