161%… C’est la hausse du nombre de contrat d’apprentissage signé au cours d’une année entre 2018 et 2022. A croire que l’ambition gouvernementale de lutter contre le chômage des jeunes en atteignant la signature d’1 million de contrats d’apprentissage par an n’est pas une lubie. Mais à quel prix ?

 

A titre liminaire, rappelons qu’en matière d’obligation d’emploi d’alternant, les entreprises de plus de 250 salariés, embauchant moins de 5% d’alternants sont redevables d’une contribution supplémentaire à l’apprentissage (CSA). (L’entreprise dont ce taux est compris entre 3 et 5% peut s’abstraire du versement de la CSA dans le cas où l’effectif d’alternants a crû de 10% par rapport à l’année précédente). Cette contribution représente de 0,05% à 0,6% de la masse salariale.

 

Toutefois, si l’obligation de l’employeur demeure, elle est largement dévoyée par la politique publique actuelle en matière de promotion de l’apprentissage.

 

Cette politique publique a été initiée avec la promulgation de la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, qui permettait d’élargir le dispositif de l’apprentissage, d’en alléger les procédures et de développer l’offre de formation en libéralisant le secteur.

 

Mais, cette politique publique, dont un rapport récent de la Cour des Comptes évalue le coût pour 2022 à 16,8 milliards d’euros, est marquée avant tout par :

  • Le choix de verser aux entreprises une aide à l’embauche d’apprenti. Le boom du nombre de contrats d’apprentissage signés (+45% entre 2019 et 2020) est concomitant à l’entrée en vigueur du versement de cette « aide exceptionnelle ». Comprise entre 5 000 et 8 000€, en 2020, elle est de 6 000€ en 2023 et n’est due qu’au titre de la première année du contrat d’apprentissage.
  • Le choix d’appliquer aux contrats en alternance la réduction générale des cotisations pour l’employeur (ex-allègement Fillon), depuis 2019. Cette disposition permet une diminution quasi intégrale des cotisations patronales pour les salariés rémunérés au SMIC puis une diminution dégressive pour les salariés dont la rémunération n’excède pas 1,6 SMIC.

 

Si le dispositif d’allègement général de cotisations avait pour objectif originel de réduire le coût du travail pour les entreprises et de permettre un accès à l’emploi des travailleurs ‘moins qualifiés’, on peut rester perplexe devant ce cadeau supplémentaire fait aux entreprises dans le cadre du recrutement d’apprentis.

En dépit des plans de communication gouvernementaux sur le recul du chômage des jeunes, la question de la qualité de leur intégration sur le marché de l’emploi reste entière.

 

Les entreprises demeurent responsables de la qualité du recrutement et de l’accompagnement des salariés, en particulier des plus inexpérimentés. Or, les élus du personnel doivent pouvoir jouer leur rôle de garde-fou dans la concrétisation de cette politique publique au sein de leur entreprise. Et ce, à travers trois questions, notamment :

  • Comment s’assurer que les contrats d’apprentissage ne constituent pas des emplois d’appoint dans l’entreprise ? L’aide de 6 000€ n’est versée que pour la première année du contrat exposant ainsi les alternants à des contrats plus courts ou rendant plus complexe l’obtention d’un contrat de 2 ou 3 ans.
  • Quel est le taux de conversion de contrats d’apprentissage en emploi pérenne ? En effet, selon la DARES seuls 29% des sortants d’apprentissage ont un emploi salarié chez l’employeur où ils ont fait leur formation.
  • Quel est le taux de rupture anticipée de contrats d’apprentissage dans mon entreprise ? Et qu’est-ce qui la motive ? D’après, le dernier Baromètre de l’Alternance – Adecco, parmi les 837.000 nouveaux contrats signés en 2022, 24% environ ont été rompus avant la fin de la formation de l’apprenti.

 

Sur cette question du recours à l’alternance en entreprise et plus largement sur la politique sociale, la santé au travail, la situation économique et les orientations stratégiques de l’entreprise, Tandem expertise accompagne les représentants du personnel dans leurs missions.

 

Article rédigé par Henri Craindart, Consultant en politique sociale, pour TANDEM EXPERTISE – www.tandemexpertise.com

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