A peine arrivé aux commandes du pays, Emmanuel Macron s’est attaché à mettre en œuvre les mesures phares que contenait son programme pour faire évoluer le monde du travail. Sans surprise, une grande place est laissée à la négociation au sein même de l’entreprise.
Dans la même lignée que la Loi Rebsamen et à la Loi El Khomri, la Loi Travail 2 vient faire évoluer le code du travail afin que les entreprises puissent accroître leur compétitivité par une plus grande flexibilité de leurs ressources humaines. Cette réforme du Code du Travail a pris la forme de 5 ordonnances. Le 31 décembre 2017, les 26 décrets d’application ont été publiés au Journal officiel. Ils portent sur 117 mesures qui sont toutes applicables depuis le 1er janvier 2018. Si on ne peut pas détailler tous les points qu’elle fait évoluer, voici néanmoins les modifications les plus importantes apportées par ces ordonnances…
Le renforcement de la négociation collective
Ce thème est au cœur des préoccupations gouvernementales : pour que les acteurs soient davantage indépendants des textes généraux et négocient au plus près des réalités de l’entreprise.
Lorsqu’un accord collectif est négocié, celui-ci ne peut excéder une durée de 4 ans ; l’employeur doit donc engager au moins une fois tous les 4 ans :
- une négociation sur la rémunération, qui concerne notamment : les salaires effectifs, le temps de travail et le partage de la valeur ajoutée dans l’entreprise
- une négociation sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, portant notamment sur les mesures visant à supprimer les écarts de rémunération, et la qualité de vie au travail
- une négociation sur la gestion des emplois et des parcours professionnels dit « GPEC »
À défaut d’accord collectif, l’employeur doit accepter de négocier chaque année sur la rémunération, le temps de travail et le partage de la valeur ajoutée dans l’entreprise ; chaque année sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, et la qualité de vie au travail ; tous les 3 ans, dans les entreprises d’au moins 300 salariés, sur la gestion des emplois et des parcours professionnels.
Sans initiative de l’employeur depuis plus de 12 mois, pour chacune des deux négociations annuelles, et depuis plus de 36 mois, pour la négociation triennale, suivant la précédente négociation, cette négociation s’engage obligatoirement à la demande d’une organisation syndicale représentative.
L’accord relatif à l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes doit porter sur au moins 3 des domaines d’action pour les entreprises de moins de 300 salariés et sur au moins 4 de ces domaines pour les entreprises de 300 salariés et plus. Ces domaines de négociation en matière d’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes portent sur : l’embauche, la formation, la promotion professionnelle, la qualification, la classification, les conditions de travail, la sécurité et la santé au travail, la rémunération effective, l’articulation entre l’activité professionnelle et la vie personnelle et familiale.
5 ordonnances qui font évoluer le droit du travail
1. Ordonnance relative au renforcement de la négociation collective
2. Ordonnance relative à la nouvelle organisation du dialogue social et économique dans l’entreprise et favorisant l’exercice et la valorisation des responsabilités syndicales
3. Ordonnance relative à la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail
4. Ordonnance portant diverses mesures relatives au cadre de la négociation collective :
5. Ordonnance relative au compte professionnel de prévention
Les ordonnances du code du travail ont été publiées au 1er janvier. La réforme contient en tout 117 mesures, comme le plafonnement des indemnités prud’homales, ou encore le référendum d’entreprise à l’initiative de l’employeur. Attention, si les ordonnances ont bien été publiées au journal officiel le 1er janvier, certaines discussions avaient encore lieu fin janvier au sénat…
La négociation sur la GPEC (gestion des emplois et des parcours professionnels) porte sur :
- la mise en place d’un dispositif de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, ainsi que sur les mesures d’accompagnement associées ;
- les conditions de la mobilité professionnelle ou géographique interne à l’entreprise ;
- les grandes orientations à 3 ans de la formation professionnelle dans l’entreprise et les objectifs du plan de formation ;
- les perspectives de recours par l’employeur aux différents contrats de travail, au travail à temps partiel et aux stages, ainsi que les moyens mis en œuvre pour diminuer le recours aux emplois précaires au profit des CDI ;
- les conditions dans lesquelles les entreprises sous-traitantes sont informées des orientations stratégiques de l’entreprise ayant un effet sur leurs métiers, l’emploi et les compétences ;
- le déroulement de carrière des salariés exerçant des responsabilités syndicales et l’exercice de leurs fonctions ;
- la mise en place de congés de mobilités ;
- la formation et l’insertion durable des jeunes dans l’emploi, l’emploi des salariés âgés et la transmission des savoirs et des compétences, les perspectives de développement de l’alternance, ainsi que les modalités d’accueil des alternants et des stagiaires et l’amélioration des conditions de travail des salariés âgés.
Quand la négociation obligatoire aboutit à un accord, vous devez le déposer auprès de la DIRECCTE et transmettre un exemplaire au greffe du Conseil des Prud’hommes. Si l’absence d’accord porte sur l’égalité professionnelle femmes-hommes, vous devez établir un plan d’action annuel destiné à assurer cette égalité.
Dans le cas où la négociation obligatoire n’aboutit à aucun accord, un procès-verbal de désaccord doit être dressé et déposé à la DIRECCTE.
Le plafonnement des indemnités prud’homales
Le Medef demandait depuis longtemps l’encadrement des indemnités prud’homales ; voilà qui est fait ! Les employeurs peuvent ainsi simuler précisément le coût d’un licenciement abusif ; avant cette loi, lorsqu’un salarié était victime d’un licenciement abusif, il devait faire appel aux prud’hommes pour obtenir gain de cause et faire une demande spécifique d’un montant pour le dédommager. L’objectif est de permettre aux employeurs de chiffrer le coût éventuel d’un procès aux prud’hommes, avec un plancher et un plafond, en fonction de la taille de l’entreprise et de l’ancienneté du salarié. L’employeur et le salarié connaissent tous deux le montant minimal et le montant plafond de l’indemnité qui serait versée s’ils se retrouvaient aux prud’hommes : tous deux devraient donc avoir intérêt à négocier. Cependant, l’écart entre les deux montants (maxi et mini) restant très important (par exemple, pour un an d’ancienneté, l’indemnisation varie de 3 à 11 mois de salaires et pour deux ans, de 3 à 17.5 mois), il est fort à parier qu’on continue à retrouver bon nombre de cas de licenciements abusifs devant les tribunaux !
Un texte amplifié par les sénateurs fin janvier 2018
Oui, le Président de la République a signé les ordonnances et les décrets d’application sont parus le 1er janvier 2018 pour une application immédiate. Cependant, pour avoir valeur de loi, les parlements devaient aussi ratifier ces ordonnances. Or, si l’Assemblée Nationale les a validées, le Sénat a choisi une autre posture. Parmi les modifications apportées, les sénateurs ont notamment favorisé la mobilité internationale et européenne des apprentis et ils ont proposé que les modèles de lettre de licenciement soient fixés par arrêté et non par décret en Conseil d’État. Le texte final a fait l’objet de plusieurs négociations…
Sur le plan pratique attention : deux grilles avec des montants minimaux différents sont parues, selon que l’entreprise a plus ou moins 11 salariés. Encore une fois, les salariés des TPE et PME voient leurs droits amoindris par rapport à ceux des plus grandes entreprises…
Attention : ces barèmes ne s’appliquent pas dans le cas de licenciement pour harcèlement moral, pour harcèlement sexuel ou encore pour violation d’une liberté fondamentale.
Le site officiel de l’administration Service-Public.fr a mis en place début novembre 2017 un simulateur des indemnités en cas de licenciement abusif. Pour cela, le salarié doit remplir deux champs : son ancienneté dans l’entreprise et le nombre de salariés travaillant dans son entreprise.
Pour compenser le plafonnement des indemnités prud’homales, la Loi Travail prévoit de revoir à la hausse les indemnités légales de licenciement. Celles-ci passeront à 25% d’un mois de salaire par année d’ancienneté contre 20% actuellement (sauf dans le cas de certaines conventions collectives qui prévoient des indemnités de licenciement plus généreuse).
La rupture conventionnelle collective
Comme la rupture conventionnelle simple, la rupture conventionnelle collective n’est assimilable ni à une démission, ni à un licenciement. Elle constitue un mode de rupture du contrat de travail reposant sur le commun accord entre l’employeur et le salarié et ne peut donc pas être imposée par l’une ou l’autre des parties concernées. Les entreprises peuvent ainsi lancer un plan de départs volontaires sans passer par un plan social grâce à un accord avec les syndicats.
Cet accord collectif doit faire l’objet d’une homologation par la DIRECCTE ; il détermine ainsi le nombre maximal de départs envisagés, les conditions que doit remplir le salarié pour en bénéficier, les modalités de calcul des indemnités de rupture garanties au salarié, celles-ci ne pouvant être inférieures aux indemnités légales dues en cas de licenciement pour motif économique ainsi que les mesures visant à faciliter l’accompagnement et le reclassement des salariés.
L’accord doit aussi prévoir les conditions d’information du Comité social et économique (CSE) (ou du CE ou, à défaut, des délégués du personnel jusqu’à la mise en place du CSE) sur le projet envisagé et son suivi.
Il n’est donc pas nécessaire que l’entreprise rencontre des difficultés économiques pour négocier un accord collectif au sein de l’entreprise mais il peut aussi intervenir dans le cadre d’un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE), quand des licenciements sont par ailleurs justifiés par des difficultés économiques.
A quoi sert la rupture conventionnelle collective pour une entreprise ? L’actualité nous éclaire
Plus souple, plus rapide qu’un licenciement économique, la rupture conventionnelle collective permet à l’entreprise de licencier des profils et d’en recruter d’autres ; elle va notamment permettre aux entreprises de licencier des séniors pour recruter des profils junior. Il peut donc s’agir pour elles de faire baisser l’âge moyen de ses salariés et sa masse salariale de façon très favorable, sans obligation de passer par de la formation de ses salariés présent, qui par définition, prend du temps. C’est le cas du constructeur automobile PSA qui a annoncé officiellement la suppression de 2200 emplois, dont 1300 en rupture conventionnelle collective, et 900 dispenses d’activité pour les seniors. En contrepartie, le groupe entend recruter 1300 CDI en 2018 et 2000 jeunes en alternance.
La société Pimkie qui connait des difficultés financières avait aussi présenté son plan de rupture conventionnelle collective aux syndicats, qui l’ont rejeté. En fait, Pimkie avait en amont annocé la fermeture d’un certain nombre de magasins… C’est donc un plan de départs volontaires que l’enseigne mettra en place.
Les délais de recours après licenciement
Le gouvernement a choisi de réduire de moitié le recours au tribunal après un licenciement, le faisant passer de 2 à 1 an.
Le télétravail
Plus besoin d’un avenant au contrat de travail pour permettre au salarié de travailler de chez lui. Avec les nouvelles règles qui viennent d’être instaurées, l’employeur doit justifier son refus du télétravail par des impératifs liés au fonctionnement de l’entreprise. Il s’agit, pour le gouvernement, d’adapter le droit du travail aux enjeux du XXIème siècle au sein duquel le digital dispose d’une place de choix.
Les licenciements économiques
Deux mouvements président aux ordonnances 2017 pour le licenciement économique ; d’abord, moins de causes font partie du champ de ce type de licenciement, ensuite, les modalités de mise en œuvre ont été assouplies pour les entreprises. Ainsi, les règles de licenciement économique pour les entreprises multinationales sont examinées en fonction de leurs difficultés économiques sur le territoire français et non plus à travers le monde ; et les possibilités de reclassement proposées aux salariés doivent à présent se situer impérativement sur le territoire national.
Le référendum d’entreprise
Elle est l’une des grandes nouveautés de la réforme du droit du travail : l’entreprise – quelle que soit sa taille – peut faire voter un accord d’entreprise par référendum s’il est signé par un syndicat qui représente plus de 30% des salariés de l’entreprise. Seule exception : il faut que l’ensemble des organisations signataires s’y opposent. Jusqu’ici seuls les représentants des salariés pouvaient organiser de telles consultations. Ainsi, le référendum arrive dans les entreprises de moins de 11 salariés et son utilisation est simplifiée dans celles de moins de 50 salariés.
Ce texte portant par exemple, sur l’aménagement du temps de travail, la rémunération, les indemnités ou encore les primes a valeur d’un accord collectif dès qu’il est signé par les deux tiers des salariés. Concrètement, l’employeur définit la date, l’heure, le lieu du scrutin et les conditions de transmission du texte aux salariés. Le référendum est alors effectué par tout moyen, à condition que tous les salariés puissent se réunir et se prononcer en l’absence de l’employeur. Attention, dès que des représentants syndicaux sont présents dans l’entreprise, les principes généraux du droit électoral – vote à bulletin secret dans un isoloir et avec une urne – s’appliquent.
Un code du travail numérique
Une version du code du travail numérique sera mise en place au plus tard le 1er janvier 2020 en vue de permettre et faciliter l’accès à toute personne au droit du travail et aux dispositions législatives et réglementaires ainsi qu’aux stipulations conventionnelles applicables.
L’extension du CDI de chantier
Le CDI de chantier permet aux entreprises d’engager des salariés pour le temps d’un projet. A la fin de son contrat, le salarié n’aura pas droit à une prime de précarité, comme pour un CDD classique.
Le gouvernement a laissé aux branches le soin de définir précisément les conditions de ce type d’accord collectif. Il fixera les conditions de recours à ce CDI de chantier ou d’opération. Notamment la taille des entreprises et les secteurs d’activité concernés, les modalités d’information du salarié, les contreparties en termes de rémunération et de formation, ainsi que les modalités de rupture du contrat. A défaut d’accord, le CDI de chantier ou d’opération est autorisé dans les secteurs où son usage est habituel : BTP, construction mécanique, cinéma, bureau d’études, aéronautique et entreprises du paysage.
La fusion des représentants du personnel
Dans ce numéro d’Influence CE, nos partenaires précisent ce que sera le CSE, institution issue de la fusion des délégués du personnel (DP), du comité d’entreprise (CE) et du comité d’hygiène et de sécurité (CHSCT).
Cette année, d’autres réformes viendront compléter les ordonnances : elles concerneront l’assurance chômage, l’apprentissage ou encore réforme de la formation professionnelle.