Les ordonnances travail ont été vécues comme une révolution pour les représentants du personnel. Six ans après, Mounira NESSAH, dirigeante du cabinet Catéis apporte son éclairage sur les changements qu’ils ont induits.

Commençons par parler des conséquences des ordonnances travail de 2017 sur le dialogue social en entreprise. Pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet ?

 

Bien sûr. Les ordonnances travail de 2017 ont engendré des effets parfois ‘contre-productifs’ sur le terrain. L’objectif de rationalisation visé s’est traduit par une réduction du nombre d’élus et une augmentation de la complexité de leurs tâches.

Les ordonnances travail de 2017 ont eu pour conséquence d’accroître les compétences nécessaires pour les élus du Comité Social et Économique (CSE) nouvellement créé, afin qu’ils puissent traiter tous les sujets auxquels ils seront confrontés. Cependant, cette rationalisation a également entraîné une diminution du nombre d’élus et une complexification accrue de leurs responsabilités.

 Pouvez-vous nous expliquer plus en détail les évolutions concrètes dans l’exercice des mandats des élus, notamment en ce qui concerne la professionnalisation et la relation renforcée avec les salariés ?

Le travail de représentation du personnel, tant dans ses aspects de négociation que dans ceux d’information et de consultation a évolué.

Dans un contexte marqué par les réformes du droit du travail en France, les représentants du personnel se posent régulièrement des questions sur les exigences auxquelles ils doivent répondre, les compétences à acquérir et à mettre en œuvre, ainsi que les ressources et les contraintes liées à leur engagement syndical ou à leurs mandats d’élus.

Les transformations en cours suscitent des discours critiques ou inquiets de la part des représentants du personnel, notamment en raison de l’alourdissement de la charge de travail, de l’intensification du rythme des réunions et des négociations, de la complexification des tâches et de l’élévation du niveau de compétences attendues.

Cependant, ces évolutions ne sont pas facilement objectivables, bien que largement ressenties par ceux qui s’investissent dans les instances représentatives du personnel.

La mise en place et le fonctionnement des Comités Sociaux et Économiques (CSE) contribuent à ces réflexions sur les transformations du travail de représentation.

Les CSE introduisent de nouvelles règles et pratiques sur la scène sociale, ce qui soulève des questionnements sur les exigences accrues, la complexité des tâches et les compétences spécifiques requises pour ces nouveaux mandats.

Sur le terrain, nous recueillons des témoignages de représentants du personnel qui mettent en évidence le sentiment d’un travail plus lourd et plus intense.

Ils expriment souvent un manque de temps et de moyens pour mener à bien leur travail. Ils doivent faire des choix et sélectionner les dossiers sur lesquels ils peuvent se concentrer. Certains évoquent le risque de débordement et soulignent la nécessité de gérer la répartition des dossiers entre le CSE et ses commissions.

Cette polyvalence et la variété des sujets posent des difficultés pour certains qui préféreraient se concentrer sur des aspects spécifiques.

Les compétences requises pour ces mandats sont souvent imprécises, et il est difficile de les définir clairement (certains soulignent l’importance de l’expérience et des compétences en situation militante, tandis que d’autres mentionnent des compétences en termes d’expertise sociale, juridique, d’animation de débats, etc.).

Les élus du CSE sont donc confrontés à une injonction croissante de se professionnaliser davantage, tant en ce qui concerne le contenu de leur mission que dans leur relation avec les salariés qu’ils représentent.

Cela implique une évolution concrète de l’exercice de leurs mandats, qui nécessite un accès effectif à des formations adaptées. Il est essentiel de trouver un équilibre entre l’exercice du mandat et la carrière professionnelle des élus.

Cela permettrait de garantir la continuité et la représentativité des élus au sein des instances, tout en leur permettant de concilier leurs engagements professionnels et leur mandat.

Il y a une tendance de baisse des candidatures aux élections. Quelles sont les raisons de ce phénomène et quelles mesures peuvent être prises pour y remédier ?

 

Effectivement, les tendances de reflux de candidatures aux élections se confirment. Plusieurs raisons peuvent expliquer ce phénomène, telles que la complexification des tâches des élus, le manque de visibilité sur les résultats concrets de leur action, ou encore le désintérêt des salariés pour le dialogue social.

Pour remédier à cette situation, il est nécessaire d’analyser plus en détail les raisons du reflux des candidatures et d’explorer des mesures incitatives pour encourager davantage de salariés à s’engager et à se présenter aux élections. Il est également important de renforcer la communication sur l’utilité et les enjeux du dialogue social en entreprise.

En ce qui concerne la perception des salariés vis-à-vis de leurs élus et de l’utilité du dialogue social, ainsi que les résultats de la négociation collective, que pouvez-vous nous dire ?

La perception des salariés à l’égard de leurs élus et de l’utilité du dialogue social peut varier en fonction des entreprises et des contextes spécifiques.

Il est essentiel de prendre en compte cette diversité de perceptions pour améliorer l’efficacité du dialogue social et renforcer la légitimité des élus.

A mon sens, il y a deux conséquences principales des difficultés auxquelles sont confrontés les représentants du personnel dans l’exercice de leurs mandats : premièrement, cela tend à les éloigner des salariés et à les isoler davantage.

Deuxièmement, cela peut affaiblir l’attractivité du rôle d’élu et rendre plus difficile le recrutement de nouveaux militants.

Certains témoignages expriment le constat selon lequel la professionnalisation croissante et les exigences plus élevées rendent l’accès à un premier mandat plus difficile.

La perspective de devenir un élu professionnel à temps plein peut décourager certains salariés qui ne souhaitent pas consacrer tout leur temps à l’activité syndicale.

En ce qui concerne la négociation collective, il est encore trop tôt pour tirer des conclusions définitives.

Cependant, il est clair que les ordonnances travail de 2017 ont introduit de nouveaux contours et des changements dans les contenus de la négociation. Il reste à évaluer plus en détail les résultats concrets de ces négociations et à analyser leur impact sur les relations sociales au sein des entreprises.

Quelles solutions proposez-vous pour atténuer ces effets négatifs ?

Un point important est de mieux répartir les mandats et les heures de délégation pour éviter une surcharge de travail sur un petit nombre d’élus. La formation peut également jouer un rôle important.

En effet, il est essentiel de former les nouveaux élus au fonctionnement des CSE et aux compétences requises pour exercer leurs mandats. Toutefois, cette formation doit être adaptée aux besoins concrets et aux premières expériences des élus.

La question de la répartition des mandats, de la formation des élus et du renouvellement des représentants du personnel est essentielle pour tendre vers un dialogue social de qualité.

Plus d’infos

www.cateis.fr

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