Prôné comme un trésor de la culture française, exposé comme l’outil précieux de la démocratie, le dialogue social a été placé au centre de la réforme dite Rebsamen d’août 2015.
Pour rappel, cette loi a été présentée comme celle permettant notamment plus de souplesse dans la mise en place des instances représentatives en entreprise, et comme simplifiant les échéanciers de rendez-vous avec les délégués syndicaux ou les élus de CE.
Très attendue par les directions théoriquement, le bilan douze mois après est pourtant bien mitigé.
Retour d’expériences à l’occasion de la 1ère bougie de la loi Rebsamen avec l’interview de Julie Lapouille, juriste du cabinet d’avocats Atlantes.
Pourquoi selon vous, le bilan de la loi Rebsamen un an après n’est pas positif ?
Le constat général que l’on peut faire en s’appuyant sur l’expérience de nos clients est que les cas de mises en application concrètes de certaines mesures issues de cette loi restent faibles.
A titre d’illustration, seul un accord collectif de regroupement des instances dans les entreprises de 300 salariés et plus a été conclu à l’heure actuelle, alors que 7 000 entreprises sont potentiellement concernées au vu de leur effectif.
De même, très peu d’entreprises ont pris acte de la modification des calendriers de consultations des comités d’entreprise et de négociations annuelles en 2016. Ainsi par exemple de nombreux CE seront informés et consultés sur le bilan social, sur la durée du travail, sur les travailleurs handicapés ou encore sur la formation professionnelle de manière distincte, alors que la loi a prévu de regrouper ces thèmes de consultation autour d’un thème unique de consultation sur la politique sociale et des conditions de travail.
Toutefois, il faut bien relever que d’autres dispositions de la réforme rencontrent beaucoup plus de succès : par exemple, en ce qui concerne la périodicité des réunions du CE dans les entreprises de moins de 300 salariés passant d’une par mois à une réunion tous les deux mois, ou encore pour la possibilité de tenir des réunions communes plusieurs instances.
Comment expliquez-vous cette application partielle de la loi ; les décrets publiés tardivement en sont-ils la cause ?
Oui, bien sûr, c’est un facteur. Le dernier décret, relatif à la procédure d’information-consultation du CHSCT et aux informations à remettre aux élus du CE, a été publié à la fin du mois de juin seulement, soit 10 mois après l’entrée en vigueur de la loi.
Mais je pense que d’autres éléments comptent.
D’abord, certaines dispositions nécessitent un accord collectif pour pouvoir être appliquées, ou laissent une première place à la négociation, la loi ne s’appliquant que de manière supplétive. C’est le cas par exemple de l’instance regroupée dans les entreprises de 300 salariés et plus qui requiert un accord majoritaire, ou encore du délai de transmission des procès-verbaux de réunions par le secrétaire du CE. Il faut donc le temps de mener les négociations.
Ensuite, il peut aussi y avoir une frilosité à se saisir des changements initiés par la loi Rebsamen parce qu’un grand nombre d’interrogations reste toujours sans réponse. Les décrets sont publiés, aucune circulaire n’a été annoncée, et pourtant des points essentiels dans le quotidien du dialogue social se posent : quid de la notion de transmission des procès-verbaux de réunions par le secrétaire du CE à l’employeur, quelle portée ? quid des budgets du CE dans la nouvelle délégation unique du personnel ? etc.
Il faudra probablement attendre la construction d’une jurisprudence sur ces questions. Les mots d’ordre sont donc patience et vigilance. Et il ne faut pas oublier qu’une nouvelle réforme liée à la loi Rebsamen va occuper les esprits à la rentrée.