Le cabinet ElanCE vous propose l’étude d’un cas pratique.

 Le contexte

Nous sommes dans une entreprise de 120 salariés, comportant environ 40% d’agents publics et 60% de salariés de droit privé. Le CSE est composé de 6 élus, et nous avons 2 délégués syndicaux. Le lieu de travail est réparti sur différents sites (le siège et quelques agences).

Suite à différents signalements de salariés et agents en souffrance au siège auprès des élus du CSE et d’un délégué syndical, ce dernier a distribué un tract reportant ces signalements et l’immobilisme de la direction.

En réponse à ce tract, les responsables du service mis en cause décident de faire signer une « pétition » aux salariés pour contredire les faits dénoncés dans le tract et défendre leurs intérêts. Un élu du CSE, Dave, est contacté par une salariée, Katia, qui lui raconte :

« J’étais à mon poste de travail et recevais du public lorsque ces deux chefs de service (mes N+1 et N+2) sont venus me solliciter pour cette pétition. J’ai refusé de la signer, ne souhaitant pas prendre parti, d’autant que le tract dénoncé ne citait aucun nom. Mais les deux responsables m’ont alors accusée de prendre parti contre eux en ne signant pas. J’ai subi la pression de mes collègues, qui avaient peur que mon refus ne me cause préjudice (« ils vont te faire la misère »). Puis j’ai été convoquée à plusieurs reprises dans le bureau de mon responsable et essuyé intimidations, reproches, insultes et menaces, au point qu’au bout de 2 semaines, j’ai fait un violent malaise obligeant les pompiers à intervenir et m’emmener à l’hôpital. Je suis actuellement en accident du travail et souhaiterais savoir quoi faire pour préparer mon retour au travail sereinement ».

Que peut/doit faire l’élu du CSE ?

Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail, susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. Sommes-nous ici dans le contexte d’un harcèlement moral ?

 

  • Comment reconnaître le harcèlement moral ?

Le Code du travail condamne toute forme de harcèlement et de violence au travail (articles L.1152-1 et suivants) à savoir tout agissement répété de harcèlement moral entraînant une dégradation des conditions de travail du salarié susceptible :

-de porter atteinte aux droits et à la dignité du salarié ;

-d’altérer sa santé physique ou mentale ;

-de compromettre son avenir professionnel.

Il n’existe pas de liste précise des agissements pouvant conduire à un harcèlement moral ; toutefois, les tribunaux retiennent le plus régulièrement :

-la multiplication de sanctions injustifiées ;

-l’intimidation physique ou morale ;

-l’exclusion et la mise à l’écart (« mise au placard », absence de travail, exclusion des réunions ou de l’organigramme…) ;

-la dégradation des conditions matérielles de travail (comme l’affectation dans un local exigu, non chauffé, dépourvu de matériel efficace ; la suppression des outils de travail) ;

-l’humiliation et la dévalorisation (méconnaissance du degré hiérarchique du salarié, blocage ou rétrogradation professionnelle, manque de respect) ;

-la persécution ;

-les méthodes de gestion.

Les faits exposés par Katia sont-ils susceptibles d’être qualifiés de harcèlement moral ? Que doit faire Dave ?

Une responsabilité repose sur les élus en la matière : dès lors qu’ils ont connaissance de tels faits, ils doivent réagir. Il s’agit du droit d’alerte en cas d’atteinte aux droits des personnes (article L.2312-59).

 

Quelles sont les étapes à respecter ?

  • Donner l’alerte

L’élu ou les élus du CSE souhaitant exercer ce droit d’alerte doivent informer dans un premier temps l’employeur de la situation constatée ou de la situation telle que présentée par le salarié. Cette information peut être réalisée par tout moyen et à tout moment. Il n’est pas nécessaire qu’elle soit réalisée au cours d’une réunion plénière (mais conserver toujours une trace de cette information donc l’écrit reste la meilleure méthode) ;

  • Une fois cette information communiquée, c’est l’employeur qui devient responsable du bon déroulé de la procédure du droit d’alerte. Il doit alors procéder à une enquête conjointe avec l’élu auteur de l’alerte. Il convient donc de désigner la Commission d’Enquête Paritaire. Cela peut se faire en réunion plénière du CSE. Plusieurs élus et représentants de la direction peuvent être désignés mais à condition de ne jamais être concernés par les faits en cause.

 

  • L’enquête 

Une première réunion de la commission paritaire aura pour objet de fixer le cadre d’intervention et les missions de la commission : préparer la liste des personnes à auditionner, organiser les entretiens (planning et lieu des auditions), lister les questions à poser à chacun, demander des preuves matérielles (certificat médical de la salariée, mails, attestions, tout écrit, etc..), décider qui rédigera les compte-rendu de chaque audition.

  • La confidentialité

Du fait de la participation directe des membres de la commission à l’enquête, l’anonymat des personnes en cause ne pourra être assuré. Il convient de garantir le secret des informations recueillies lors de l’enquête et d’imposer une obligation de discrétion aux membres de la commission.

  • Le rapport d’enquête 

A l’issue des auditions, la commission d’enquête établit un compte rendu (ou rapport). Il ne s’agit pas pour la commission de qualifier ou non le harcèlement, mais d’indiquer les éléments caractérisant, ou non, l’existence d’actes de harcèlement.

  • Rendre compte au CSE

Le CSE est informé des résultats de l’enquête et éventuellement consulté sur les mesures de prévention du harcèlement que la direction envisagera de prendre. Si de telles mesures sont projetées, il faudra transmettre au comité un document écrit explicitant le projet. En raison de la nature confidentielle de l’enquête, les membres du CSE sont soumis à une obligation de discrétion pour ce qui concerne l’ensemble des éléments qui est porté à leur connaissance dans ce cadre.

  • Et après ?

Il conviendra d’organiser la poursuite du contrat de travail du salarié victime. Lorsque les actes de harcèlement sont avérés, la victime doit être protégée. Il convient de prendre toutes les mesures pour que la situation ne se reproduise pas. Le salarié fautif doit avoir été écarté du salarié victime (mutation, sanction pouvant aller jusqu’au licenciement, aménagement d’horaires, changement de poste de travail, pour l’un ou l’autre). Les élus devront contrôler la réalité et l’efficacité de ces mesures.

  • L’employeur ne fait rien…

Bien que cela ne soit pas dans son intérêt (car il engage alors sa responsabilité pénale et civile), il arrive que l’employeur ne prenne aucune mesure. Les élus peuvent alors, avec l’accord de la victime, saisir le Conseil des Prud’hommes qui statuera en procédure accélérée sur le fond. Si le rapport d’enquête n’a pas pu démontrer la réalité des actes incriminés, il conviendra tout de même de prendre des mesures, les faits dénoncés, réels ou non, démontrant une situation conflictuelle et de mal-être au travail, pour laquelle l’employeur ne peut rester inactif. Les élus pourront aussi faire des propositions concrètes.

Attention !

Dans les CSE disposant d’une Commission Santé Sécurité et Conditions de Travail, il est possible que l’accord de mise en place ait prévu que les droits d’alerte soient mis en œuvre directement par la Commission.

Les élus peuvent également lancer un droit d’alerte pour des intérimaires ou prestataires de service. À tout moment de la procédure, ainsi qu’à son terme faute d’actions menées, le salarié victime peut agir à l’encontre de l’employeur. Le salarié peut demander des dommages et intérêts, l’annulation d’une sanction discriminatoire, etc.

Le salarié de bonne foi qui relate des faits de harcèlement moral ne peut être licencié pour ce motif. Selon la cour de cassation, la mauvaise foi du salarié ne peut résulter que de la connaissance par lui de la fausseté des faits qu’il dénonce ; elle ne peut, en revanche, résulter de la seule circonstance que les faits dénoncés ne sont pas établis. Hors de cette hypothèse, le licenciement du salarié serait considéré comme nul avec, pour le salarié, l’indemnisation spécifique prévue à ce titre pour licenciement entaché de nullité.

 

Vous souhaitez lancer un droit d’alerte ? Faites-vous accompagner par des professionnels. Notre Cabinet de juristes spécialisés ELANCE se tient à votre disposition.

Plus d’information

Isabelle.maisonneuve@elan-ce.com

06.18.90.36.87

www.elan-ce.com

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